La guerre by Bruno Tertrais

La guerre by Bruno Tertrais

Auteur:Bruno Tertrais [Tertrais, Bruno]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Que sais-je ?
Publié: 2014-09-17T22:00:00+00:00


B) … mais plus meurtrières pour les civils

La mortalité relative de la guerre pour les civils, en revanche, a augmenté. Les civils représentaient, selon les estimations, de l’ordre de 5 à 20 % des morts de la Première Guerre mondiale, de 50 % de ceux de la guerre civile d’Espagne et de 48 à 67 % de ceux de la Seconde  [23]. La proportion pour les conflits récents est incertaine. Les chiffres de 80 à 90 % de victimes civiles depuis les années 1960 sont souvent avancés, mais ces chiffres sont très contestés (sources discutables, évaluations maximalistes). Dans la réalité, la proportion est très variable, elle se situe sans doute en moyenne autour de 50 %  [24].

Comment expliquer que la proportion des victimes civiles ait augmenté alors que les populations sont de mieux en mieux protégées – par les normes, le droit et les institutions, mais aussi par la précision croissante des moyens militaires, ce qui permet aux forces occidentales de s’efforcer de limiter les « dommages collatéraux » ? Les conflits du passé ont souvent été extraordinairement meurtriers pour les populations. Les guerres d’extermination ont été monnaie courante dans l’Histoire : annihilation de Carthage, conquêtes mongoles en Asie centrale, épuration religieuse en Europe au Moyen ge, destruction des populations natives d’Amérique, etc. Mais l’héritage des Lumières a suscité une conception nouvelle de la guerre, dont les normes développées depuis la fin du xixe siècle (cf. infra, chap. IV) visent à protéger les civils. Le génocide au sens propre du terme – la destruction délibérée et systématique d’une population donnée – est aujourd’hui assez rare, même si certains crimes de guerre et crimes contre l’humanité (par exemple, l’élimination des femmes en âge de procréer, pratique que l’on a vue à l’œuvre dans les Balkans et en Afrique) relèvent clairement d’une logique génocidaire  [25]

Ce paradoxe s’explique par plusieurs raisons.

D’abord, bien entendu, si les soldats meurent de moins en moins au combat, la proportion de victimes civiles augmente mécaniquement.

Ensuite, l’histoire des conflits au xxe siècle montre une séquence très particulière. Le second conflit mondial fut le plus meurtrier dans l’Histoire. Outre le génocide de populations entières, il s’accompagna d’un recours systématique au « bombardement stratégique », dans lequel les populations étaient délibérément prises pour cibles. Ce mode d’action avait été systématisé au cours de la guerre sino-japonaise en 1931, puis repris lors de la guerre civile espagnole. Utilisé par Hitler contre le Royaume-Uni (Blitz), il connut son apogée au cours des bombardements alliés sur l’Allemagne et le Japon. De plus, à l’époque, les moyens de bombardement (artillerie, aviation, missiles…) étaient particulièrement peu précis, causant donc de très nombreuses « victimes collatérales » même lorsque l’objectif était militaire. Le bilan fut éloquent : Hambourg (1943), 60 000 à 100 000 morts ; Dresde (1945), 30 000 à 100 000 morts ; Tokyo (1945), 130 000 morts. La fin de la guerre contre le Japon fut particulièrement meurtrière : les bombardements incendiaires de 67 villes japonaises par les États-Unis ont causé la mort d’environ un million de personnes – sans compter Hiroshima et Nagasaki.



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